Un très beau souvenir. C’est une production qui avait été créée à Bienne en 2015, et c’était une des premières fois qu’on me proposait un emploi de premier plan dans un théâtre important. L’entente a été excellente avec le metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau, qui a en partie conçu le spectacle autour de moi. Aussi ai-je été absolument ravie quand on m’a demandé de reprendre le rôle en France. Avec Pierre-Emmanuel, nous nous sommes immédiatement « trouvés » et j’espère que nous aurons d’autres occasions de travailler ensemble.
Traviata. C’est un rôle un peu particulier pour moi. Je l’ai chanté pour la première fois alors que j’étais très jeune (c’était une version de concert), et par la suite je l’ai toujours chanté dans des circonstances un difficiles, voire un peu folles, avec peu de répétition et donc un temps insuffisant pour approfondir l’interprétation du personnage. Pour l’instant, je n’ai pas vraiment pris le plaisir que j’aurais dû éprouver à chanter ce rôle… Je suis sûre qu’avec Pierre-Emmanuel, ce serait un véritable bonheur !
Je suis sur scène depuis que je suis toute petite. Enfant, je faisais partie de la maîtrise de l’Opéra de Lyon et très tôt, on a commencé à me confier des rôles… J’ai par exemple chanté Gretel à l’âge de 12 ans, dans une adaptation en français du Hänsel et Gretel de Humperdinck, ou encore un des trois garçons dans La Flûte enchantée ! Cela explique sans doute pourquoi je me sens très vite à l’aise sur un plateau. Dans la mesure où mon répertoire est essentiellement dramatique, dès qu’on me demande de faire des pitreries, j’adore ! Voilà pourquoi jouer la Comtesse Adèle du Comte Ory a été un tel bonheur. Parfois certaines productions m’apparaissent presque comme une grande cour de récré dans laquelle on expérimente, on essaie, on s’amuse… Cela apporte un côté galvanisant au travail, et cela donne une impression de liberté qui fait que, forcément, on s’approprie le personnage avec facilité et naturel.
C’est une excellente école, exigeante et très difficile. J’ai énormément appris en pratiquant l’opérette, dont certaines nécessitent de vraies grandes voix lyriques, celles de Kálmán notamment, Princesse Czardas ou Comtesse Maritza par exemple, qui sont des œuvres très lyriques. L’opérette est un art complet et complexe : dans les conservatoires, faute de temps, le travail sur la voix parlée, la déclamation, le texte parlé, le jeu théâtral, la danse même, qui est souvent sollicitée dans les œuvres dites légères, est parfois abordé un peu rapidement. Et ce répertoire compte tant d’œuvres magnifiques, charmantes, drôles… Je regrette beaucoup qu’il soit considéré en France comme la dernière roue du carrosse.
J’ai toujours eu une couleur peut-être un peu sombre pour le répertoire de colorature, malgré une certaine aisance dans les vocalises et le registre aigu. Je me suis progressivement dirigée vers des rôles lyriques dans lesquels je me sentais plus à l’aise. J’aime en fait les rôles un peu hybrides : ceux nécessitant une voix pas spécialement légère mais plutôt longue, capable d’envolées lyriques mais sollicitant également l’aigu et la capacité à vocaliser. La Comtesse Adèle s’inscrit dans cette catégorie, de même que certains rôles français : Marguerite, qui est peut-être le rôle que j’ai le plus chanté, ou encore Juliette, Manon. Mais je souhaite d’une manière générale restée ouverte aux propositions et ne pas dire non a priori : on vous propose parfois un air ou un rôle qui ne fait pas partie de votre répertoire, et dont il s’avère finalement qu’il vous va comme un gant ! Il est toujours difficile d’anticiper sur l’évolution de sa propre voix, mais peut-être, dans quelques années, pourrai-je éventuellement me diriger vers des emplois de sopranos dramatiques colorature à l’italienne, comme les reines de Donizetti et plus tard le répertoire du jeune Verdi…
J’espère ! J’avais précisément un contrat pour un projet qui aurait dû se faire au printemps 2022, mais il a été reporté en 2023 en raison des bouleversements dans les programmations engendrés par la crise du coronavirus… Mais je chante effectivement beaucoup en Lettonie ou en Estonie. Après la pause forcée de ces dernières semaines, je vais faire un concert au piano à Riga avec mon conjoint le baryton Janis Apeinis. Il s’inscrit dans une série de récitals dans lesquels se produiront également Aleksandrs Antoņenko et Marina Rebaka. Ce concert sera donné le 14 août et sera diffusé en live. Tous ces récitals auront lieu dans des lieux historiques de Lettonie, ce devrait être une belle expérience ! Et la saison prochaine, je reprends, à l’Opéra d’Estonie (à Tallinn) la Marguerite de Faust (en septembre) et Juliette (en janvier), dans une très belle production datant de l’an dernier et que j’ai adorée !
Manon. Un de mes opéras préférés.
Le travail. J’adore répéter, ce processus de création qui fait que le spectacle prend forme petit à petit. J’aime aussi le fait de devoir se regarder en face, de s’accepter tel qu’on est, de très bien se connaître et d’apprendre sur soi chaque jour.
Le manque de bienveillance, notamment pour les jeunes chanteurs qui sont constamment jugés, par leurs professeurs, les jurys, etc., lesquels très souvent émettent des verdicts mais dépourvus de conseils, et qui ne font que fragiliser la confiance en soi, si importante pour s’épanouir dans cet art. Les concours de chant, notamment, devraient être un endroit où ne se contente pas de recevoir (ou non) un prix, mais où on apprend également, où l’on progresse, d’où l’on repart avec des conseils constructifs.
Jeune, je voulais être costumière de théâtre ! Quoi qu’il en soit, j’aurais pratiqué je pense une activité manuelle : de la restauration d’œuvres, de la décoration, de la peinture…
La cuisine ! Et plus spécialement la pâtisserie, depuis que je suis maman !
Paroles de Prévert. Et si je peux me permettre de citer un autre art, alors la peinture de Rothko.
La lutte contre la violence faite aux enfants ou aux femmes.
Informations et réservations pour le concert de Riga du 14 août (possibilités d'obtenir des billets pour la retransmission
en live) :
Interview réalisée en juillet 2020 par Stéphane Lelièvre
La Comtesse Adèle : "En proie à la tristesse..."
Juliette, "Air du poison"
La Gavotte de Manon
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